dimanche 30 septembre 2012

jeudi 27 septembre 2012

07.02.12


Jamais je n'avais pensé au fait que les larmes sont chaudes et naissent à température corporelle. Ce sont des gouttes de 37° qui roulent sur nos joues souvent froides au mois de janvier. Elles ont beau ne pas être glacées, elles résultent toujours d'un excès de froideur quelque part en nous, quand quelque chose se bloque, quand quelque chose ne passe pas, nous taraude, et que le sang ne fait qu'un dernier tour sans trouver de réponses à un trop-plein de questions. Alors cette angoisse se distille et ça coule chaud. Ceci dit, cette chaleur lacrymale se montre réconfortante car nul n'aurait besoin de larmes froides en plus de son chagrin. Et le sel que souvent la langue recueille nous montre le chemin de la mer dans les pleurs. Comme si la peine au bord de la plage nous disait regarde les vagues et les tourments qui se brisent contre les rochers et, si tu lèves les yeux, au loin de la clarté à perte de vue.

jeudi 20 septembre 2012

19.09.12


En entrant dans le Parque de los Jesuitas, j'ai trébuché sur un caillou et un homme d'un certain âge m'ordonna de faire attention avant de m'inviter à m'asseoir à ses côtés. Il avait deux revues de supermarché et m'a fait cadeau de l'une d'entre elles. Il chassait les mouches de son front avec l'autre. Venga, mira, sentate. J'ai l'impression que les espagnols ne communiquent qu'à l'impératif, qu'ils y vivent en plein dedans. Eres una mujer guapa. D'ordinaire une phrase comme celle-ci prononcée dans un lieu public par un inconnu ne pourrait qu'être associée à du mépris d'un homme envers une femme, ceux qui ne calculent qu'en raccourcis et parviennent à leurs fins plus qu'on ne croit. Mais il faut aussi apprendre à recueillir les compliments, ne pas toujours les laisser filer et essayer pour quelques heures de les porter contre soi. Bueno, guapa no, guapa no. Fea no. Pues, interesante. Una mujer interesante. Tienes ojos de mala y una carra de buena. Mais qu'est-ce qui m'raconte le pépé? Je pensais qu'il employait là une expression idiomatique qui échappait à mon entendement mais il contesta. Ses phrases me laissaient pantoise. J'étais partagée entre la tendresse que l'on accorde aux grands-pères sensibles et un certain renfrognement devant tant d'invasion. Il tâta mes mains et me conseilla de mettre de la crème car toute femme pourrait faire fortune à condition d'avoir les mains douces. C'est déroutant d'accorder à un inconnu le droit de vous dévisager. Et puis, bien entendu, il me dit que la jeunesse ne savait plus communiquer, qu'ils perdaient tous le goût de la parole et qu'ils ne formaient qu'un ensemble de gosses de riches nés dans des familles trop pauvres pour subvenir à leurs aspirations sans lendemain, ce qui conduisait l'Espagne d'aujourd'hui à becter une génération de nini: ni estudio ni trabajo.
Et plus tard, j'ai décidé que j'irais tellement plus volontiers visiter les rayons du Carrefour en périphérie que les tours des cathédrales. Ce supermarché était un modèle standard et aurait bien pu se trouver dans la zone commerciale de Brétigny-sur-Orge, sortie 21, première à gauche après le feu, semaine de rentrée, -20% sur les fournitures à partir du 3e enfant, bonjour-avez-vous-la-carte-carrefour. J'avais besoin de ma dose quotidienne d'agitation urbaine, de me faufiler entre les caddies, dans les étalages de la marque repère et choisir, ou non, de mettre un peu plus sur les yaourts juste une fois, de ralentir quand devant moi la personne ralentit et que le trottoir est trop étroit pour impoliment lui passer devant, de griller les feux rouges, de lécher les vitrines sans rien emporter mis à part du parfum sur le poignet.

lundi 17 septembre 2012

15.09.12


J'ai cette ville qui pulse derrière mes carreaux que je n'arrive pas à fermer. Il y a à vrai dire deux fenêtres l'une après l'autre donc quand je me penche pour aller voir de quelle couleur sont les draps des voisins sur les fils reliant entre elles des familles qui dans la rue peut-être ne se saluent pas, ce n'est pas par la fenêtre mais par les fenêtres que je regarde. Ici la nuit a la vivacité des journées avec la lumière en moins. C'est aux heures d'après-minuit que l'on brille le plus et qu'une fièvre bénigne galvanise les rues. Les bébés s'endorment dans leurs poussettes qu'on chante ou qu'on danse, qu'on joue au violon ou que retentissent les dernières pressions des bières. Je n'aspire qu'à me lier à d'autres sueurs alors qu'en pleine journée mon lit de 105 suffirait presque à me rendre heureuse. Un soir de semaine, sur les coups de 23h, j'ai fait la bise à un homme habillé en femme de la pointe de ses talons à l'extrémité de ses cils et je l'ai trouvé beau à tomber. Je fonds à moitié quand je demande au boucher Tiene corazón? et qu'il me répond en souriant bueno, yo si! pero no para vender. J'ai vu un taureau mourir dans une flaque de son sang que des hommes vêtus de blanc ont savamment saupoudrée de sciure, balayée et Ole! au prochain. Je me précipitais au derrière de l'arène pour voir quel sort l'on réservait à l'animal encore chaud de sa lutte. Rien d'autre qu'un camion de viande trop ferme pour être vendue au prix de son vécu.
Si dans les mois qui suivent quelqu'un me demande quelles furent les études de mon semestre espagnol, je répondrai que je ne sais plus exactement mais sans doute quelque chose comme l'art de vivre. Une vie dans la chair généreuse d'un pays sur la pente de la privation. Je ne peux m'avancer mais pour l'instant je tente de la jouer pas à pas. Donc demain avec L. nous irons voir les chemins de terre qui savent toujours se trouver au-delà des rues qui ici se refusent obstinément à nous montrer la rudesse des temps présents.

 
La Parrandita de las Santas - Amparo Sanchez

09.09.12


Je parcours la ville à la recherche d'une onde d'internet et me promets de choisir un ordinateur moins lourd la prochaine fois. J'ai peur de l'orage depuis cet été. Je tamise ma chambre en baissant les volets en pleine après-midi parce qu'ici, la siesta, c'est imprégné jusque dans les murs des maisons. Je fais défiler des albums photo entiers. J'arpente les allées des halles centrales, je choisis ma viande à vue d'œil et montre du doigt impoliment. Je m'arrête pour prendre trois crevettes roses et 200g d'olives vertes. La blancheur des cochons de lait me refroidit aussi sec. Je ne pense qu'à Maastricht. Je pleure pour Maastricht. Je ne visualise que les petites mains de leur fille qui, je l'espère, ne quitteront jamais les siennes. J'oublie le pain. Je fais sécher ma lessive sur un balcon étroit. Je danse quand la Plaza Mayor se transforme en dancefloor. J'appelle Alina, ma rencontre d'aéroport, l'entends me dire qu'elle ne rentre que dans une semaine et raccroche toute retournée. Je passe presque tous les jours par zara home. Je n'aime vraiment que le silence. Il y a un mois, je passais mon code et traçais doucement mon chemin à quatre roues sur le bitume corrèzien. Je porte Bretenoux, Meyssac et Lagleygeolle sur moi. Je me demande où je vais. Je n'ai encore rien accroché au mur. Je me remets en pyjama a las dos de la tarde. Je n'écoute pas la radio. J'irai à la piscine et danser tant que je peux. J'essaye de retenir ma respiration en sortant de mon immeuble le matin car les ferias de Salamanca ont fait de ma rue un urinoir public. Je regarde la télé avec un bloc notes. Je croise des regards de confiance. Je commande des schweppes. J'achète Elle et Psychologies en espagnol. Je mange des biscuits à 3h30 pour trouver le sommeil. Je pense à Maastricht, toujours. Je franchis les limites du centre ville pour me retrouver dans le calme des faubourgs et apercevoir au loin le flanc des collines dénudées.


04.09.12


Sur le chemin vers les r que l'on roule autant que l'on racle et des filles que l'on interpèle à coups de guapa, mes yeux se sont remplis du vide des champs parsemés de taureaux marrons, noirs ou blancs qui avaient sous les pieds de l'or à n'en plus finir. Dans mes oreilles la voix pétillante de Sonia Devillers pour adoucir la perte de repères imminente. Pas la même langue que ce que mes yeux voyaient pour conserver un équilibre sans larmes. Alors que le soleil disparaissait derrière les collines en soulignant les silhouettes des églises, les gens se promenaient par deux sur les chemins à peine battus bordant l'autoroute, les bras souvent liés. Un désert reclus malgré son étendue, à l'ombre des villes mais pas de la lumière, peuplé d'un ensemble de figurines respirant la quiétude. Et puis sous le ciel bleu marine sont soudain apparues deux cathédrales, dominant majestueusement une ville qui porterait, je l'espérais de tout cœur, le nom de Salamanca. Comme si les scintillements de la ville, même les ampoules les plus vacillantes aux coins des boulevards, finissaient par ne faire plus qu'un en illuminant cette dentelle de pierre ocre. Je me dis toujours que tant qu'une ville est bordée d'une rivière, l'air frais sait se trouver en cas de besoin. Après l'empressement de l'arrivée dans les soutes de l'Avanzabus, après l'étreinte maternelle de ma voisine ponctuée d'un Si te puedo ayudar te ayudo mi niña, une forte brise m'a saisie toute entière et empêchait mon gilet de rester boutonné. Je marchais à cœur grand ouvert le long du trottoir dont les roues de mes valises faisaient résonner toutes les dalles. Le vent m'enveloppait de tout son souffle et, à cet instant, cette fraîcheur crépusculaire m'apportait la dose de chaleur nécessaire en terrain inconnu. C'est une angoisse grisante qui parcourt les veines de celui qui arrive à bon port sans savoir ce que réservent les jours à venir, si son aventure, aiguillée par le plan de la ville, s'imposera comme une évidence ou s'il se trouvera à rebrousser chemin après avoir perdu le nord. Le pincement au cœur ne m'a toujours pas quittée et les larmes surgissent sans mal. Je me convainc que, bon, sans prétention aucune, I've done that before et que l'Espagne respire la bonté par tous les pores. Tant que des anglais sonneront à la porte et me diront nice to meet you, tant que les espagnols ponctueront leurs phrases de cariño ou mi niña, que leur spontanéité me fera rougir jusqu'aux oreilles, tant que l'on récoltera des citrons calcinés sous la cuisinière et que j'irai acheter les miens aux halles qui jouxtent ma rue, tant que je parviendrai à m'extirper des dynamiques Erasmus et à faire des fautes de grammaire sans chercher à m'enterrer dans la seconde, je me dirai que ces quelques semaines ressemblent presque à une belle promesse.   

23.08.12


Il y a de quoi se rouler à moitié nue sur un canapé alors que la soirée s'étend de tout son long sur un air orageux. Les nuages s'épaississaient pour finalement ne faire que se dissiper. La Dordogne nous secouait davantage que les derniers jours, de timides remous clapotaient sous ce radeau où l'on avait fait élire domicile à nos mèches humides. Plus tard, toute cette moiteur n'a fait qu'un tour en moi et je n'ai trouvé que des cris non timbrés à projeter contre ces murs qui me tenaient si loin des fauteuils de velours auxquels j'aspirais par tous les pores. Laurence Anyways se dévoilait à d'autres pupilles que les miennes et cela n'était qu'épouvante. Comme si les paillettes sur ses yeux 90s scintillaient dans mon ombre mais restaient inéluctablement hors de ma portée. Les 5km à vélo que je n'osai parcourir.

27.06.12


Je te dis qu'il n'y a rien de mieux sur terre que d'entendre les oiseaux dans leur vol du soir au dessus des toits, quand le soleil tire sa révérence sans que sa présence ait assouvi nos besoins de chaleur. Il n'y a rien de plus plaisant que de passer ses journées avec quelqu'un qu'on ne connaît que depuis quelques jours dont l'humour fait passer les heures comme des biscuits et du thé anglais. Rire aux éclats à chacun de ses mots me plonge dans une humeur libératrice, celle qui fait réaliser que rien, rien, rien de rien ne vaut une bonne compagnie.  

19.05.12


Il y a ces milliers de livres compressés le long d'étagères identiques. Il y a surtout le savoir qu'ils renferment, lequel reste dans un silence qui en ferait presque oublier sa valeur. Les étudiants passent et repassent, leur sac rempli de câbles, de biscuits écrasés et de bouteilles d'eau dans lesquelles se noient les envies de dehors et d'air plus léger que celui des cellules silencieuses. Il y a le cliquetis des claviers et des multitudes de fenêtres qui s'entremêlent sur les écrans alors que tout ce dont nous aurions besoin est une rupture de connexion pour retrouver le chemin des lettres sur le papier, des pages qui tournent dans le vent et non à l'aide d'une flèche. Et par là, je ne veux aucunement fustiger les avancées technologiques que je trouve merveilleuses dans leur diversité et leur gratuité. Elles me font voyager quotidiennement. Je me soucie simplement de certaines choses.           

22.04.12


C'est en entendant les mots si doux prononcés par un enfant le long d'une bande son de quelques minutes que je réalise que ces paroles sont trop précieuses pour être condamnées à une existence sans futur et n'être conjuguées qu'au conditionnel du présent. Et je me dis qu'un pays au milieu d'un monde dans lequel les jeunes gens ne voient pas de continuation à leur chemin et envisagent leur planète comme quelque chose de périssable ne peut pas se relever sans l'aide de chacun, sans quelques courgettes sur les balcons de France et de Navarre.  

15.04.12
Ce dimanche matin, telle une souris à petites chaussettes rayées, je me suis occupée de la cuisine comme si elle avait été un enfant qu'il fallait réveiller d'une nuit de sommeil. Je lui ai vidé l'estomac pour tout remettre en place, je lui ai passé un gant sur le visage. Puis je me suis lavé les dents passant d'une pièce à l'autre sans y prêter attention et j'ai fini par tout cracher dans l'évier en regardant tomber la pluie sur les pissenlits de notre jardin.

13.04.12
J'ai fermé les yeux quelques secondes sur cette chaise inconfortable parce que les heures de sommeil manquaient à l'appel. Elle est passée à cet instant et a déposé un bisou sur mon front sans rien dire à part un sourire avant de continuer son chemin vers la cuisine. Il y a des personnes avec lesquelles les mots ne sont pas toujours nécessaires, pas toujours suffisants. Aussi fébrile que je me sentais dans le courant d'air des fenêtres grandes ouvertes, enveloppée dans du tissu inconnu, elle m'a insufflé un peu de chaleur droit vers l'intérieur.

11.06.12
S'il y a quelque chose dont je ne me lasse pas, qui dans la discrétion la plus complète parvient à remplacer bien des mots, ce sont les clins d'œil. Je pratique le clin d'œil à foison.

20.06.12
Il y a ce jeune homme qui dépose un bisou sur la vitre de la classe où je travaille. C'est rien, je ne pense vouloir rien de tout ça mais ce geste est susceptible de me rester dans la mémoire heureuse pour des siècles et des siècles.

27.06.12
La vie pourrait être consacrée à sentir bon. J'ai ressorti la biafine générique que j'avais achetée à la pharmacie de Besançon lors d'un périple à vélo. Cette pharmacie près du pont, sur les quais du Doubs, où nous avions rencontré un couple de Mulhouse qui ne parvenait pas à croire que nous avions parcouru toute cette route à quatre roues. Elle sent merveilleusement bon, je l'applique sur mes bras sans brûlures pour mon plaisir personnel, celui de passer mon nez et de me sentir un peu comme une jeune fille en fleurs.

29.04.12


Je voulais rentrer à la maison pour 48 heures mais vendredi soir, la gare de Liège m'a retenue trop longtemps pour y croire encore. L'impolitesse des gens m'a éclaboussée une fois de plus, fondre en larmes au milieu de cette place résolument impersonnelle, suffoquer au téléphone sur le point de couper, me sentir plus vulnérable que les cailloux qui jonchaient le sol, sentir une potentielle menace en chacun des passants aux alentours. J'ai repris mon train vers plus de sureté en séchant mes larmes dans une conversation anglaise et, plus tard, en assemblant des pièces du puzzle dans la salon de J. Puis j'ai passé un weekend calme, presque vide, à porter mes idées vers des choses qui pouvaient me combler sans pour autant aller jusqu'à me bouger pour que la situation évolue. Dimanche, je pioche dans les salades composées et colorées au milieu d'un parc où les gens font leur propre pain et les enfants construisent leurs moulins à vent. Je ne peux m'empêcher, cependant, de me sentir entre les lignes de la marge de l'action, donc, sans laver mon assiette, je suis partie d'un pas libérateur en direction des salles du Lumière. A 20h, constater que 20% des voix soutiennent Marine Le Pen, certainement tous profils confondus, jetant pourtant la même détresse dans les urnes d'une nation qui ne distingue plus tellement le début de la fin. Aller me coucher au son de Godard à travers Anna Karina.