mardi 10 mars 2015

09.03.15


D'un coup, j'ai vu trouble. L'angoisse de la tisane trop chaude avalée rapidement m'a prise à la gorge, et cette fois-ci je ne l'ai absolument pas vue venir – comment aurais-je pu alors qu'on éclatait de rire à la minute avec S? Comme un tournis foudroyant de l'intérieur, j'ai sans doute marqué une pause au milieu de ma phrase. Retour en arrière, à la genèse de l'angoisse, à l'aube des années où je vérifierais inconsciemment si les salles de classe avaient bien deux portes, ce prélude très subtil à tous les mécanismes de défense et de fuite qui se sont mis en place depuis. Tu pensais ne plus jamais la recroiser, cette angoisse de tout va sortir dans les deux minutes laissez-moi m'en aller faire ça en paix - J'ai le visage qui se vide de sa couleur, j'ai l'estomac au bord des lèvres et le corps au bord des larmes. Et bien elle t'a enveloppée d'un voile très fin que tu sais rendre invisible, certes, souvent tu lui as fait la peau sans la tuer et c'est d'autant plus noble, mais elle retrouve son chemin, elle a eu le temps et, à avancer en te mettant de côté, tu lui as ouvert des portes sans t'en rendre compte. Mon cerveau n'était plus léger, les mots rigolos n'avaient plus de sens, je ne pensais qu'à m'extraire. Je voyais la réalité d'avant la montée de cette chaleur torpide dans ma gorge et celle d'après, celle qui m'a fait m'enfermer dans les toilettes en espérant trouver le temps de calmer ma respiration et de détendre mon foie, gonflé au toucher. J'ai serré les dents et j'ai pris le soin de dire bon allez je vais rentrer merci pour cette soirée en posant chaque mot, faisant mine de découvrir l'heure tardive par la plus grande des coïncidences sur l'écran de mon portable, pour paraître calme alors que je me liquéfiais dedans. Sans comprendre pourquoi, sans savoir où ça allait finir: dans le caniveau, dans les pommes, dans le sel des larmes, dans le noir, dans la tiédeur de l'espace qui sépare la couette des draps.