samedi 22 février 2014

21.02.14





Le soleil se pointe au moment où revient en moi cette vague de satisfaction, l'estomac qui se serre parce qu'il avait oublié qu'il existe depuis hier une raison de se vriller encore et encore pour quelques toutes petites secondes, avant de remettre ça deux heures plus tard. Je l'oublie vraiment et de temps à autres, rappel, ah mais oui c'est vrai, j'ai mon permis. C'est bien plus qu'un papier, c'est bien plus qu'un A rouge qui signale le début d'un époque et le cul d'un pare-choc. C'est probablement rien de grandiose, aucune voiture ne m'attend dans un paquet surprise, je n'encaisse pas assez pour réserver 200€ par mois à l'achat de quoi que ce soit de cet ordre-là et 200€ de plus à l'assurance de cette chose et de ma personne à l'intérieur. J'élargis simplement le champ des possibles et cette phrase veut dire beaucoup plus de choses que je n'ose l'imaginer.

Je te ramène? T'es fatigué, tu veux qu'on échange? Ah ce soir, je bois pas. Un peu comme tous les soirs d'avant quoi sauf que là j'ai pas besoin de me justifier, pratique hein? Ca va pas trop? Bouge pas, j'arrive. Quoi, 400km? Oui, ben d'accord, j'arrive je te dis.

Il y a la dame au bout du fil qui me dit je vous appelle pour les résultats du permis rappelez-moi, il pleut. Je la rappelle, oui c'est bon vous l'avez, vous pouvez passer le chercher, il pleut plus. Je le savais déjà en fait mais c'est pas grave, merci madame de m'avoir confirmé que c'était écrit noir sur blanc quelque part dans un dossier entre les préfectures du Lot et de la Corrèze, ça fait toujours plaisir. C'est un peu comme si vous m'aviez pincée pour que je puisse décoller pour de bon. Je vais aller chercher mes petits papiers provisoires avec mon petit vélo, à l'ancienne, faudrait pas qu'on prenne la grosse tête trop vite, c'est pas dans les habitudes de la maison. En gros, ça veut dire que je ne suis plus une élève et que je peux aller caler tranquille. Je fais partie de ceux qui ont encore besoin d'apprendre, de rouler sur plein de bosses et de faire la leur en même temps, j'ai pas tellement d'expérience ni d'excès de vitesse au compteur, mais au moins on m'autorise à aller apprendre par moi-même et à me prendre des murs en paix.


Mais pour l'instant, je vais m'arrêter d'écrire car il n'est pas encore temps de mettre tout ça dans des cases et il n'est plus l'heure de réfléchir, on n'a pas toujours besoin saisir la portée des évènements dans la minute. Il faut parfois juste passer la première pour démarrer en douceur et la deuxième pour préserver les fils directeurs.  

vendredi 21 février 2014

01.01.14, notes de premier janvier.

C'est une année qui s'écoule, c'est vraiment rien, c'est juste le chiffre 365 qui un jour s'est mis à symboliser le terme de quelque chose, le début d'une phrase et sa fin, quelque chose de clos, d'incommensurable, de fluide et de fuyant. Mais un an, au final, c'est une petite éternité mise en boîte, c'est plus que le temps qu'il faut à un bébé pour en venir à l'existence.

J'ai accueilli 2013 en tirant un trait de Strasbourg à Salamanque et j'ai pris cette route en bus de nuit, de jour, à travers les frontières et les odeurs âpres que dégage un groupe d'inconnus. L'Espagne du Nord me saluait de son ciel bleu et quelques jours plus tard je me suis dit regarde, un peu, comme tu sais rendre tiennes des terres nouvelles. Regarde, encore, comme l'appréhension de tout et son contraire fait monter les larmes, celles qui coulent si difficilement d'habitude, et bien parfois un rien les fait basculer, regarde comme c'est pas grave, regarde comme il faut accepter que ça coule à flots. Ensuite, après les derniers exams et dossiers en espagnol, les derniers documents à ranger dans le dossier USAL, les derniers correos, les dernières annonces sur Studium, après avoir décroché mes rideaux, plié mes draps, offert mes tasses, j'ai proposé à V. d'aller prendre un café, cette jeune prof qui me fascinait de pertinence et d'esprit et de fraîcheur, de charisme, de bonté, une de ces personnes qui vous redonne foi, je ne sais pas exactement en quoi mais assez pour au moins continuer la route empruntée et aller au-delà de ce qu'on pensait savoir faire, ne serait-ce qu'envoyer un mail qui pose la question d'un rendez-vous.

2013 c'est l'année du retour à Maastricht, c'est la rencontre d'I. dans la maison qui deviendrait the house of love, the house of Jospeh, c'est les non-dits avec H., les redits plus tard, c'est I. qui dort sur le canapé, c'est l'été qui passe, c'est septembre, c'est the house of love qui tombe en ruines dans tous les sens du terme, mais à feu doux, c'est cette maison où nos vies ne battaient certes pas à l'unisson mais, disons, dans une tonalité voisine. C'est trois nouveaux, c'est moi qui reste, c'est la rancœur de plus-de-maison dans ma maison et c'est la poussière qui s'accumulait souvent sous mes meubles. C'est l'agence qui dit allez c'est fini tout le monde dehors, c'est les clés qu'on laisse sous la porte, c'est cette même porte qui referme un chapitre tellement fondamental qu'il est presque insensé de soupeser le poids de la chose. C'est les thés avec I., avant, après, pendant ce remue-non-ménage et le bien-être que m'apporte sa présence.

C'est la Turquie, c'est l'hospitalité, c'est les températures idéales, c'est la richesse des saveurs, c'est un groupe de 9 personnes ensemble pendant une semaine, c'est la mer comme je ne l'avais jamais vue. C'est mes crises de larmes dans des toilettes, des salles de bain, c'est la pression d'être vue comme ce que je ne suis pas, oui, c'est la frustration la plus profonde d'être peut-être perçue comme quelqu'un d'autre. C'est les accidents de voiture qui fauchent la vie alors même qu'elle commençait. C'est A. qui m'apprend à conduire mais surtout à privilégier ma sécurité à celle des autres, à ne pas m'oublier, qui me dit accélère, qui me dit pose ton cerveau, qui me dit respire t'es pas un poisson rouge, qui me dit qu'à me parler on dirait que j'ai 30 ans, qui me dit si j'avais un enfant de 22 ans, je lui dirais vis et qui me dit au lieu de te demander pourquoi tu veux passer la troisième, passe-la.

C'est M. C'est M. comme un cadeau tombé du plafond, c'est la justesse de ses questions, la bonté de son affection, la grâce de sa présence, sa profonde admiration qui me conforte dans ce que je suis, son sourire, son bazar, ses cigarettes, ses musiques, Mademoiselle Dior, Dior Poison, c'est mon téléphone qu'elle fait sonner au moins une fois tous les jours, vraiment juste pour savoir comment je vais ou me poser une question qu'elle a déjà oubliée quand je décroche, c'est tout le monde qu'elle appelle baby, c'est naturel. C'est L. et L. de plus en plus, ça je le sens, c'est tout, son intelligence, sa créativité, sa maturité, nos éducations, c'est son aura et son affection qui m'ont manquée les mois derniers. C'est J. C'est J. presque tous les jours, c'est nos chemins en parallèle, c'est l'immense affection qui nous lie, ce respect, cet intérêt, c'est la profondeur, la certitude, vraiment, cette chaleur très réservée, la mesure, la proportion, le grand courrier, le long cours. C'est que ça fait bizarre de passer une journée sans savoir ce qu'il fait, c'est nos échanges de retard, de mots pas écrits, le temps qui passe sans qu'on sache où il va, c'est l'angoisse des deadlines, c'est nos Capstone qui ont pris forme et fin côte à côte. C'est J. qui rencontre H. à Sydney et c'est H. à Paris, c'est l'autoroute entre Maastricht et Paris et les camions belges.

C'est l'inconditionnelle, J., celle qui me garde et me suit et me trouve et me cherche, qui se soucie profondément de moi, qui me remet sur ma route, qui me voit telle que je n'ose me voir. C'est C-I., celle qui voit un peu plus loin et un peu moins tordu, c'est son goût, c'est Paris qu'elle adopte à mesure que les mois passent, c'est l'immédiateté de nos échanges, de nos intérêts, c'est nos jugements des détails, c'est nos ondes sur la même longueur, c'est se voir amies de tous les âges. C'est M., la perle des crèmes, je me répète, mais c'est sa clairvoyance, c'est son admiration que je sens, c'est mon amour pour elle, ma confiance en elle, c'est ses boucles, c'est ses 14 ans, c'est quand elle dit Charlie t'es vraiment une personne bien, je sais pas pourquoi tu réfléchis autant. C'est cette discussion téléphonique avec M., le jour où je suis parvenue à laisser mes rancœurs de côté et à lui parler pour elle et rien que ça, sans forcément qu'elle m'entende et sans crever tous les abcès. C'est H. qui me sent plus qu'on ne parle, c'est ce lien entre nous qui est si réel quand elle est là, tellement qu'on oublie parfois de le cultiver mais c'est elle qui me dirige quand la voix m'est coupée et que je suis à l'ouest, désemparée, désarticulée, sonnée et qu'en silence je me bouffe de l'intérieur. C'est L., sa fraîcheur, sa beauté, sa bonté, sa sobriété, c'est l'affection qu'on a pour des personnes qu'on connaît très vite parce que les confidences se font sans souci.

C'est des saisons, c'est Brive, des allers-retours entre Altillac et Brive, l'été en Galaxy, puis seule, aussi, quand je rentre de Bordeaux, que je fantasme sur les jeunes contrôleurs, c'est le bus de 22h08 qui passe par Turenne, St Denis près Martel et tout ça, qui capte RFM à toute heure, c'est Bretenoux à 06h19, c'est N. et ses tâches de rousseur, c'est mon courage, c'est mon affirmation, c'est mon numéro que je laisse sous son siège. Seule, encore, j'arrive en Corrèze en novembre, c'est les jeunes en campagne, c'est mon dictaphone sur les tables des Voyageurs, c'est une jeunesse en jachère que je ne vois pas tellement résignée, ils parlaient d'eux à travers moi, et ça, ça n'a pas trop de prix. C'est le fruit de mes efforts, de ma détermination non-apparente et insoupçonnée, c'est mon projet, c'est moi qui fais quelques pas, peut-être, qui sait, en tant que journaliste des intérieurs. C'est Michel Debats que je rencontre à Nation un samedi d'octobre qui me dit allez-y vous verrez c'est merveilleux. C'est C, c'est la soutenance de C., c'est les rendez-vous dans son bureau à deux minutes du reading room, c'est trouver du réconfort sans toujours obtenir les réponses que j'attendais, c'est lui qui me montre sans le vouloir que je suis le maître à bord et que je peux faire tout ce que je veux faire, c'est sa fille dont il parle sans le faire. C'est the reading room, plus que jamais, c'est ma deuxième maison, c'est UCM, c'est la chance d'y être qu'on réalise autant qu'on en a marre d'être pressé, marre marre marre de me presser ma propre chair. C'est ma maladresse et ma recherche d'absolu.

C'est Benjamin Biolay, c'est Lyon l'été, c'est Fourvière la nuit et les murs de pierre qui font résonner ses chansons, c'est les bords de Saône avec M., c'est les parquets des rez-de-chaussée de la Croix Rousse avec M., c'est trois jours qui m'ouvrent des portes intérieures, c'est un héritage. C'est des bonnes notes, c'est des papers dont je suis fière, c'est les banlieues qui posent problème, c'est la République qui fait de ces problèmes de plus gros problèmes, c'est la campagne invisible, c'est le tissu vivant du territoire français qu'on ne laisse pas toujours parler. C'est l'absence de Pauline et son coeur qui bat à l'abri des regard et ça fend le mien. J'ai un peu perdu mon nord depuis qu'elle n'écrit plus au grand jour mais on s'en sort, on s'en sort, elle existe, c'est déjà pas mal. C'est les limites, c'est l'oubli de moi, c'est les œillères que je porte pour trouver des excuses et ne rien changer, c'est la peur qui m'est vissée à l'estomac la majeure partie du temps, c'est moi qui rougis trop souvent, c'est moi qui veux me cacher, c'est moi qui me tape dessus, c'est le non-respect de ma personne qui passe souvent inaperçu, c'est les chaînes dont je m'entoure, c'est la recherche d'autre et d'ailleurs, c'est la peur du bonheur, c'est mes batailles contre moi et l'autre moi. C'est Fauve, la grande découverte, qui crie, qui crisse, qui claque, qui met les maux en mots, qui dit tout n'est pas fragile, n'attends rien que de toi, tu es infiniment nombreux et tellement de choses encore.





mercredi 12 février 2014

07.02.14

Si je n'ai pas défait ma valise, c'est que je voulais que tout reste dans les plis de mes vêtements. Pendant ce dernier mois de janvier qui s'annonçait très déboussolé, et non moins déboussolant, j'ai en fait compris ce que ça voulait dire de s'être fait une vie quelque part. Et surtout, à défaut d'avoir compris car pour comprendre il faut d'abord accepter, j'ai senti, j'ai vu, j'ai ri et pleuré ce que ça représente d'arriver au terme d'une vie qu'on s'est faite quelque part.

Dans ma valise dont les fleurs bleues m'accompagnent depuis le début de mes croisades, il y avait toute l'essence de cet amour d'eux pour moi, cet amour qui m'a éclaboussé au visage, et même pour de vrai, le soir de mon anniversaire dans la simplicité d'une surprise vraiment surprise. Cet amour qui m'était trop lourd, que j'ai fui en claquant les portes et en tremblant dehors sans manteau. Cet amour taillé sur mesure qui s'est imposé à moi, l'impossible à nier, et qui luisait le plus quand je me retrouvais seule. Il me soufflait des choses comme oui ça fait peur, oui tu veux fuir, mais oui, bordel, c'est pour toi donc s'il te plaît, arrête ton char quelques minutes et pose les armes. Tout ce dont une personne a besoin, c'est ça, c'est juste ça et tu l'as en ten-fold. C'est trop gros pour fermer les yeux, hein? Tu vois, no discussion. Le plus troublant c'est que de ne pas croire en moi, c'est un peu ne pas croire en eux. Et ça, ça impliquerait un sérieux flaw dans la logic de la confiance qu'on s'est accordée pour tous en arriver là. Pour parvenir à lire noir sur blanc la preuve de liens tissés dans cette ville dont on ne parle même pas la langue, ces liens qui abolissent toutes formes de frontières. Donc on se tait et on dit merci. Pas très fort, jamais, mais en pesant chaque lettre et les yeux dans les yeux.

Ce que je laisse derrière moi, c'est les boucles de L., les bisous que j'y dépose en taisant tous les mots qu'elle entend, la confidence de mon drap tâché de son sang, c'est ma couette collée à son radiateur brûlant qui me réchauffait trop. Dans sa chambre, les bruits de la rue montaient jusqu'entre les fenêtres et m'empêchaient souvent de dormir. J'entendais tout, les gens qui crachent leur poumons dans le caniveau, les talons sur les pavés à 2h15, les ambulances, les moteurs des scooters qu'on conduit sans casque, les cigarettes qui se consument dans le froid, l'anglais, le néerlandais, l'arabe et le silence. C'est le parfum dans la nuque de M. dont l'odeur me reste sur le front quand on se dit à plus tard le matin, c'est sa chambre glaciale qui l'est beaucoup moins quand on est à deux sous sa couette blanche, c'est les heures d'après minuit qui s'égrènent sans gêne, sans hâte, à quoi bon puisqu'on prend toujours le temps de tout se dire. C'est elle qui ne se couche jamais avant 3h car certaines passions s'invitent dans sa vie, et ce dans toutes les villes du pays. Je veille à ce qu'elle ne s'égratigne pas démesurément. Dans les cas extrêmes, on peut appeler l'ambulance, oui, ça se fait, mais n'en faisons pas une habitude darling. J'ai presque fait de tous les lits de la maison des lits d'un soir, clandestine ayant la permission de l'être. J'hésitais même à me faire l'amante d'un soir mais j'ai finalement trop hésité. J'ai offert ma jambe à d'autres jambes, mes bras à d'autres avant-bras. Je laisse des actes manqués, des regards qui disent allons-y et des gestes qui disent allons bon. La présence de J., sur la fin, m'électrisait et s'offrait comme un possible, ceux dont on avait nié l'existence et qui rassurent car ils ramènent un corps à la vie en deux deux, là, quand tout se résume à des choses qu'on ne dit pas mais qu'on voudrait crier. Je ne sais pas très bien comment je trouverai à un rythme à mes journées sans celui des playlists de J. et de M. le matin lors du petit dej, je ne sais pas si je pourrai compter quoi que ce soit sans penser à L. comptant les mailles de son tricot, je ne sais pas si je me referai à la bise française car je cherche instinctivement l'accolade.



C'est dur quand tout s'évapore malgré les efforts qu'on fait pour que les souvenirs demeurent des réalités. A présent, et au futur, ce sera l'amour en éparpillé, en courrier, en minuté, en moins concentré. Les mots en simultané, les appels, les soupirs, les I miss you qu'on a déjà tellement usés. Le changement, le réajustement – on l'espère de toutes nos forces – n'opère que dans la forme car le fond, on le retient, le fond, ou ne serait-ce que la certitude du fond, on le veut à jamais.   

11.12.13



2010-2013. On s'est tenu à la rampe du temps, parfois on s'agrippait, parfois on a très légèrement perdu l'équilibre, parfois on s'est reposé tout seul ou à plusieurs, parfois on a cherché le maintien sans rien trouver qui était attaché nulle part et d'autres fois pas même besoin de main courante. Trois ans. Et quelques miettes supplémentaires. Je suis nulle en bilans. Je vois simplement que les matins sont toujours aussi jolis, que certains me glacent, que les jours m'effraient, le soir les apaise, que la sonnerie du réveil ne retentit jamais plus tard que 9h30, que j'ai tapé, écrit, imprimé, lu, relu ou survolé des milliers de kilomètres de mots et que je ne parviens à me construire que grâce à eux. J'ingère, je digère et je repeins les choses un peu différemment à la sortie pour me sentir à leur portée. Je vois aussi que mon armoire a perdu de ses couleurs, mes habits se sont calmés, du gris du beige du noir de sobres rayures, des grosses mailles et de la maille fine, pour les jours où on ne veut qu'être enveloppé, se cacher et avoir chaud à l'abri du monde et ceux où une couche paraît de trop tellement on aimerait se jeter à corps perdu. Je mange mieux, je manie les oignons, l'ail, le poivre, le sel, le laurier, la noix de muscade, le curry, la cardamome, les choses simples, et très souvent au pif mais il n'en faut pas beaucoup plus. Je me prends à écouter de la musique hipster car c'est souvent celle qui m'électrise. But triangles are not my favourite shape just yet. Je comprends que même tout seul on parcourt grosso modo le même chemin que les autres. Je regarde le vert des arbres et le bleu du ciel avec, je crois, un peu plus d'humilité. M. m'appelle et en plus de sa voix familière j'entends dans le fond des bébés moutons qui appellent peut-être quelqu'un qui ne les entend pas. On appelle tous quelqu'un qui ne nous entend pas. Si on sait s'écouter quand on appelle quelqu'un qui ne nous entend pas, peut-être qu'au fond l'écho ne se perd pas complètement, se réverbère contre les parois et revient du destinataire à l'expéditeur qui n'est qu'une seule et même personne et peu importe, peu importe, si ça prend quelques minutes ou un plus que quelques minutes.

04.08.13

Les cernes de B.B. et les sourires qui lui échappaient indéniablement. Mon cœur s'est enchaîné dans ses propres battements car, bien avant que l'émotion ne soit palpable, il avait reconnu ces notes-là. C'était véritablement incroyable de me retrouver à le parcourir tout entier de mes yeux dans cet air du soir, celui qui me montrerait la première étoile filante de ma vie lorsque je levai le nez vers le ciel sur Bellecour, sur cet air de musique qui depuis longtemps s'est imposé comme une hymne des soirs sans, comme le refrain des combats qu'on livre en sourdine contre l'héritage d'un présent qu'on redoute un peu trop parfois. Il a fallu quitter la chaleur de l'amphithéâtre bien avant la fin, se faire une raison, ne pas rater le dernier métro et s'éloigner, sentir tous les pavés de Fourvière rebondir sous mes pieds, m'arrêter quelques secondes, reconnaître le titre qu'il chantait, répondre à cet écho en apesanteur et chanter encore. Ce n'était pas un de ces concerts dont on revient bluffé et le rythme dans la peau pour la nuit entière, non, là c'est dans le silence que je me suis sentie confirmée dans beaucoup de choses. Cette ville m'a remise à ma page. Pendant deux jours, nous avions Lyon qui s'étendait sous nos yeux et les rues qui n'en finissaient pas de grimper pour nous mener plus au cœur des choses, vous voyez. Dans ce petit resto, remarquer avec une dame qui se débarbouillait que la poignée des toilettes était placée drôlement bas sur la porte. Derrière cette porte ouverte, trouver deux fripes pour trois fois rien si ce n'est l'odeur d'années de scène. Le long d'une rue de la Croix Rousse toujours, piocher des gels douche dans un carton ouvert aux passants, n'en plus finir de s'exclamer que les gens sont gentils et que cette ville respire pour de vrai. Entre onze heures et minuit, sur les bords de Saône, on refait défiler tous les instants dans nos têtes, on prête du feu, on prend des Schweppes et on se demande quand est-ce qu'on sait qu'on vit le moment présent et je me dis qu'en fait la lumière que dégageait la basilique nous fournissait l'unique réponse. Il y a cette lumière qui ne s'éteint jamais.

13.07.13

Alors qu'enfin du bout du doigt je m'habituais à mon unique présence entre ces murs de mille ans, il est l'heure de rassembler mes affaires des quatre coins de ces pièces pour leur assigner un endroit délimité de celui des autres. Plus que deux nuits où mon souffle résonnera contre lui-même, plus que 48 heures qui n'en auront pas l'air car, arrive un moment, celui où rien n'importe car personne n'attend, les heures contiennent plus que 60 minutes et se fondent très bizarrement les unes dans les autres. Plus que 5 repas spontanés où la salade se fane, le pâté s'écrase, le bleu se raidit, les épinards s'effilent en me disant oui mais c'est que du bon avant de laisser quelques couverts sales dans l'évier jusqu'au lendemain. Les papillons de nuits ne seront plus mes compagnons d'infortune, je ne pourrai plus me plaindre aux oiseaux qu'ils sont les seuls à me voir étendre le linge. La Dordogne, ma belle douce, je devrai la partager de tout près et mes pieds souffriront moins de sa froideur qui s'en va à mesure que ses berges s'élargissent. Comme à chaque fois, je perdrai 5 ans en 1 jour, je sentirai mes paroles tourner en rond ou sauter par la fenêtre, il y aura des étincelles, on aura tous très chaud, on ne se supportera pas toujours, nous et nous-mêmes-en-nous, on tentera de se détendre en se demandant quoi faire, on se parlera sans s'écouter, on sourira pour ne pas rire, on sera tous autour de la table de la cuisine à pas d'heure pour manger des andouillettes et de la salade.



31.04.13

Bien sûr, mon amour, que je t'aime et que j'aime le monde entier. Je n'ai pas un ni deux ni trois amours, j'en ai des milliers sans vrais visages. Ils ne respirent pas tous, certains sont immobiles, d'autres sont impalpables et parfois ils ont même la couleur du pamplemousse, alors tu vois, tout ça pour te dire que parfois je vis avec l'envie de manger le monde entier en une fois sans mâcher avec la fougue des premières fois qui n'arrivent jamais. Et souvent, ça ne passe pas, rien ne se passe.
Je t'aime mon amour, le monde, tout, je t'aime. J'ai appris à aimer des ensembles car j'ai peur des limites, monde amour.  

06.03.13

Bourdieu qui m'éclaire, qui voit grand en nous montrant comme tout se confirme au petit niveau et comme rien ne se comprend mais comme tout saute aux yeux. La grande bourgeoisie et la petite se vouent au même effort de distinction, au fond du fond on est tous en mal de reconnaissance, on veut croire en nos trajectoires mais certaines sont toujours tracées d'avance, celles qui traversent moins d'étages de la stratification sociale car elles ont les bras, certes forts, mais plus courts. Les styles, les styles de vie et les goûts s'opposent, on fait tous différer nos préférences, surtout par rapport à ceux qui nous sont le plus proches. Cette bataille se teinte de dédain ou de rancœur, du mépris des uns contre les autres et des autres contre les uns, tous autant que nous sommes, mais au fond les mêmes mécanismes opèrent. On naît ce qu'on devient mais chacun amasse son pactole d'individualité pour essayer de tracer son chemin dans les fouillis de l'ordre établi.