mercredi 12 février 2014

07.02.14

Si je n'ai pas défait ma valise, c'est que je voulais que tout reste dans les plis de mes vêtements. Pendant ce dernier mois de janvier qui s'annonçait très déboussolé, et non moins déboussolant, j'ai en fait compris ce que ça voulait dire de s'être fait une vie quelque part. Et surtout, à défaut d'avoir compris car pour comprendre il faut d'abord accepter, j'ai senti, j'ai vu, j'ai ri et pleuré ce que ça représente d'arriver au terme d'une vie qu'on s'est faite quelque part.

Dans ma valise dont les fleurs bleues m'accompagnent depuis le début de mes croisades, il y avait toute l'essence de cet amour d'eux pour moi, cet amour qui m'a éclaboussé au visage, et même pour de vrai, le soir de mon anniversaire dans la simplicité d'une surprise vraiment surprise. Cet amour qui m'était trop lourd, que j'ai fui en claquant les portes et en tremblant dehors sans manteau. Cet amour taillé sur mesure qui s'est imposé à moi, l'impossible à nier, et qui luisait le plus quand je me retrouvais seule. Il me soufflait des choses comme oui ça fait peur, oui tu veux fuir, mais oui, bordel, c'est pour toi donc s'il te plaît, arrête ton char quelques minutes et pose les armes. Tout ce dont une personne a besoin, c'est ça, c'est juste ça et tu l'as en ten-fold. C'est trop gros pour fermer les yeux, hein? Tu vois, no discussion. Le plus troublant c'est que de ne pas croire en moi, c'est un peu ne pas croire en eux. Et ça, ça impliquerait un sérieux flaw dans la logic de la confiance qu'on s'est accordée pour tous en arriver là. Pour parvenir à lire noir sur blanc la preuve de liens tissés dans cette ville dont on ne parle même pas la langue, ces liens qui abolissent toutes formes de frontières. Donc on se tait et on dit merci. Pas très fort, jamais, mais en pesant chaque lettre et les yeux dans les yeux.

Ce que je laisse derrière moi, c'est les boucles de L., les bisous que j'y dépose en taisant tous les mots qu'elle entend, la confidence de mon drap tâché de son sang, c'est ma couette collée à son radiateur brûlant qui me réchauffait trop. Dans sa chambre, les bruits de la rue montaient jusqu'entre les fenêtres et m'empêchaient souvent de dormir. J'entendais tout, les gens qui crachent leur poumons dans le caniveau, les talons sur les pavés à 2h15, les ambulances, les moteurs des scooters qu'on conduit sans casque, les cigarettes qui se consument dans le froid, l'anglais, le néerlandais, l'arabe et le silence. C'est le parfum dans la nuque de M. dont l'odeur me reste sur le front quand on se dit à plus tard le matin, c'est sa chambre glaciale qui l'est beaucoup moins quand on est à deux sous sa couette blanche, c'est les heures d'après minuit qui s'égrènent sans gêne, sans hâte, à quoi bon puisqu'on prend toujours le temps de tout se dire. C'est elle qui ne se couche jamais avant 3h car certaines passions s'invitent dans sa vie, et ce dans toutes les villes du pays. Je veille à ce qu'elle ne s'égratigne pas démesurément. Dans les cas extrêmes, on peut appeler l'ambulance, oui, ça se fait, mais n'en faisons pas une habitude darling. J'ai presque fait de tous les lits de la maison des lits d'un soir, clandestine ayant la permission de l'être. J'hésitais même à me faire l'amante d'un soir mais j'ai finalement trop hésité. J'ai offert ma jambe à d'autres jambes, mes bras à d'autres avant-bras. Je laisse des actes manqués, des regards qui disent allons-y et des gestes qui disent allons bon. La présence de J., sur la fin, m'électrisait et s'offrait comme un possible, ceux dont on avait nié l'existence et qui rassurent car ils ramènent un corps à la vie en deux deux, là, quand tout se résume à des choses qu'on ne dit pas mais qu'on voudrait crier. Je ne sais pas très bien comment je trouverai à un rythme à mes journées sans celui des playlists de J. et de M. le matin lors du petit dej, je ne sais pas si je pourrai compter quoi que ce soit sans penser à L. comptant les mailles de son tricot, je ne sais pas si je me referai à la bise française car je cherche instinctivement l'accolade.



C'est dur quand tout s'évapore malgré les efforts qu'on fait pour que les souvenirs demeurent des réalités. A présent, et au futur, ce sera l'amour en éparpillé, en courrier, en minuté, en moins concentré. Les mots en simultané, les appels, les soupirs, les I miss you qu'on a déjà tellement usés. Le changement, le réajustement – on l'espère de toutes nos forces – n'opère que dans la forme car le fond, on le retient, le fond, ou ne serait-ce que la certitude du fond, on le veut à jamais.   

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