Les cernes de B.B. et les
sourires qui lui échappaient indéniablement. Mon cœur s'est
enchaîné dans ses propres battements car, bien
avant que l'émotion ne soit palpable, il avait reconnu ces
notes-là. C'était véritablement incroyable
de me retrouver à le parcourir tout entier de mes yeux dans cet air
du soir, celui qui me montrerait la première étoile filante de ma
vie lorsque je levai le nez vers le ciel sur Bellecour, sur cet air
de musique qui depuis longtemps s'est imposé comme une hymne des
soirs sans, comme le refrain des combats qu'on livre en sourdine
contre l'héritage d'un présent qu'on redoute un peu trop parfois.
Il a fallu quitter la chaleur de l'amphithéâtre bien avant la
fin, se faire une raison, ne pas rater le dernier métro et
s'éloigner, sentir tous les pavés de Fourvière rebondir sous mes
pieds, m'arrêter quelques secondes, reconnaître le titre qu'il
chantait, répondre à cet écho en apesanteur et chanter encore. Ce
n'était pas un de ces concerts dont on revient bluffé et le rythme
dans la peau pour la nuit entière, non, là c'est dans le silence
que je me suis sentie confirmée dans beaucoup de choses. Cette ville
m'a remise à ma page. Pendant deux jours, nous avions Lyon qui
s'étendait sous nos yeux et les rues qui n'en finissaient pas de
grimper pour nous mener plus au cœur des choses, vous voyez. Dans ce
petit resto, remarquer avec une dame qui se débarbouillait que la
poignée des toilettes était placée drôlement bas sur la porte.
Derrière cette porte ouverte, trouver deux fripes pour trois fois
rien si ce n'est l'odeur d'années de scène. Le long d'une rue de la
Croix Rousse toujours, piocher des gels douche dans un carton ouvert
aux passants, n'en plus finir de s'exclamer que les gens sont gentils
et que cette ville respire pour de vrai. Entre onze heures et minuit,
sur les bords de Saône, on refait défiler tous les instants dans
nos têtes, on prête du feu, on prend des Schweppes et on se demande
quand est-ce qu'on sait qu'on vit le moment présent et je me dis
qu'en fait la lumière que dégageait la basilique nous fournissait
l'unique réponse. Il y a cette lumière qui ne s'éteint jamais.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire