vendredi 21 février 2014

01.01.14, notes de premier janvier.

C'est une année qui s'écoule, c'est vraiment rien, c'est juste le chiffre 365 qui un jour s'est mis à symboliser le terme de quelque chose, le début d'une phrase et sa fin, quelque chose de clos, d'incommensurable, de fluide et de fuyant. Mais un an, au final, c'est une petite éternité mise en boîte, c'est plus que le temps qu'il faut à un bébé pour en venir à l'existence.

J'ai accueilli 2013 en tirant un trait de Strasbourg à Salamanque et j'ai pris cette route en bus de nuit, de jour, à travers les frontières et les odeurs âpres que dégage un groupe d'inconnus. L'Espagne du Nord me saluait de son ciel bleu et quelques jours plus tard je me suis dit regarde, un peu, comme tu sais rendre tiennes des terres nouvelles. Regarde, encore, comme l'appréhension de tout et son contraire fait monter les larmes, celles qui coulent si difficilement d'habitude, et bien parfois un rien les fait basculer, regarde comme c'est pas grave, regarde comme il faut accepter que ça coule à flots. Ensuite, après les derniers exams et dossiers en espagnol, les derniers documents à ranger dans le dossier USAL, les derniers correos, les dernières annonces sur Studium, après avoir décroché mes rideaux, plié mes draps, offert mes tasses, j'ai proposé à V. d'aller prendre un café, cette jeune prof qui me fascinait de pertinence et d'esprit et de fraîcheur, de charisme, de bonté, une de ces personnes qui vous redonne foi, je ne sais pas exactement en quoi mais assez pour au moins continuer la route empruntée et aller au-delà de ce qu'on pensait savoir faire, ne serait-ce qu'envoyer un mail qui pose la question d'un rendez-vous.

2013 c'est l'année du retour à Maastricht, c'est la rencontre d'I. dans la maison qui deviendrait the house of love, the house of Jospeh, c'est les non-dits avec H., les redits plus tard, c'est I. qui dort sur le canapé, c'est l'été qui passe, c'est septembre, c'est the house of love qui tombe en ruines dans tous les sens du terme, mais à feu doux, c'est cette maison où nos vies ne battaient certes pas à l'unisson mais, disons, dans une tonalité voisine. C'est trois nouveaux, c'est moi qui reste, c'est la rancœur de plus-de-maison dans ma maison et c'est la poussière qui s'accumulait souvent sous mes meubles. C'est l'agence qui dit allez c'est fini tout le monde dehors, c'est les clés qu'on laisse sous la porte, c'est cette même porte qui referme un chapitre tellement fondamental qu'il est presque insensé de soupeser le poids de la chose. C'est les thés avec I., avant, après, pendant ce remue-non-ménage et le bien-être que m'apporte sa présence.

C'est la Turquie, c'est l'hospitalité, c'est les températures idéales, c'est la richesse des saveurs, c'est un groupe de 9 personnes ensemble pendant une semaine, c'est la mer comme je ne l'avais jamais vue. C'est mes crises de larmes dans des toilettes, des salles de bain, c'est la pression d'être vue comme ce que je ne suis pas, oui, c'est la frustration la plus profonde d'être peut-être perçue comme quelqu'un d'autre. C'est les accidents de voiture qui fauchent la vie alors même qu'elle commençait. C'est A. qui m'apprend à conduire mais surtout à privilégier ma sécurité à celle des autres, à ne pas m'oublier, qui me dit accélère, qui me dit pose ton cerveau, qui me dit respire t'es pas un poisson rouge, qui me dit qu'à me parler on dirait que j'ai 30 ans, qui me dit si j'avais un enfant de 22 ans, je lui dirais vis et qui me dit au lieu de te demander pourquoi tu veux passer la troisième, passe-la.

C'est M. C'est M. comme un cadeau tombé du plafond, c'est la justesse de ses questions, la bonté de son affection, la grâce de sa présence, sa profonde admiration qui me conforte dans ce que je suis, son sourire, son bazar, ses cigarettes, ses musiques, Mademoiselle Dior, Dior Poison, c'est mon téléphone qu'elle fait sonner au moins une fois tous les jours, vraiment juste pour savoir comment je vais ou me poser une question qu'elle a déjà oubliée quand je décroche, c'est tout le monde qu'elle appelle baby, c'est naturel. C'est L. et L. de plus en plus, ça je le sens, c'est tout, son intelligence, sa créativité, sa maturité, nos éducations, c'est son aura et son affection qui m'ont manquée les mois derniers. C'est J. C'est J. presque tous les jours, c'est nos chemins en parallèle, c'est l'immense affection qui nous lie, ce respect, cet intérêt, c'est la profondeur, la certitude, vraiment, cette chaleur très réservée, la mesure, la proportion, le grand courrier, le long cours. C'est que ça fait bizarre de passer une journée sans savoir ce qu'il fait, c'est nos échanges de retard, de mots pas écrits, le temps qui passe sans qu'on sache où il va, c'est l'angoisse des deadlines, c'est nos Capstone qui ont pris forme et fin côte à côte. C'est J. qui rencontre H. à Sydney et c'est H. à Paris, c'est l'autoroute entre Maastricht et Paris et les camions belges.

C'est l'inconditionnelle, J., celle qui me garde et me suit et me trouve et me cherche, qui se soucie profondément de moi, qui me remet sur ma route, qui me voit telle que je n'ose me voir. C'est C-I., celle qui voit un peu plus loin et un peu moins tordu, c'est son goût, c'est Paris qu'elle adopte à mesure que les mois passent, c'est l'immédiateté de nos échanges, de nos intérêts, c'est nos jugements des détails, c'est nos ondes sur la même longueur, c'est se voir amies de tous les âges. C'est M., la perle des crèmes, je me répète, mais c'est sa clairvoyance, c'est son admiration que je sens, c'est mon amour pour elle, ma confiance en elle, c'est ses boucles, c'est ses 14 ans, c'est quand elle dit Charlie t'es vraiment une personne bien, je sais pas pourquoi tu réfléchis autant. C'est cette discussion téléphonique avec M., le jour où je suis parvenue à laisser mes rancœurs de côté et à lui parler pour elle et rien que ça, sans forcément qu'elle m'entende et sans crever tous les abcès. C'est H. qui me sent plus qu'on ne parle, c'est ce lien entre nous qui est si réel quand elle est là, tellement qu'on oublie parfois de le cultiver mais c'est elle qui me dirige quand la voix m'est coupée et que je suis à l'ouest, désemparée, désarticulée, sonnée et qu'en silence je me bouffe de l'intérieur. C'est L., sa fraîcheur, sa beauté, sa bonté, sa sobriété, c'est l'affection qu'on a pour des personnes qu'on connaît très vite parce que les confidences se font sans souci.

C'est des saisons, c'est Brive, des allers-retours entre Altillac et Brive, l'été en Galaxy, puis seule, aussi, quand je rentre de Bordeaux, que je fantasme sur les jeunes contrôleurs, c'est le bus de 22h08 qui passe par Turenne, St Denis près Martel et tout ça, qui capte RFM à toute heure, c'est Bretenoux à 06h19, c'est N. et ses tâches de rousseur, c'est mon courage, c'est mon affirmation, c'est mon numéro que je laisse sous son siège. Seule, encore, j'arrive en Corrèze en novembre, c'est les jeunes en campagne, c'est mon dictaphone sur les tables des Voyageurs, c'est une jeunesse en jachère que je ne vois pas tellement résignée, ils parlaient d'eux à travers moi, et ça, ça n'a pas trop de prix. C'est le fruit de mes efforts, de ma détermination non-apparente et insoupçonnée, c'est mon projet, c'est moi qui fais quelques pas, peut-être, qui sait, en tant que journaliste des intérieurs. C'est Michel Debats que je rencontre à Nation un samedi d'octobre qui me dit allez-y vous verrez c'est merveilleux. C'est C, c'est la soutenance de C., c'est les rendez-vous dans son bureau à deux minutes du reading room, c'est trouver du réconfort sans toujours obtenir les réponses que j'attendais, c'est lui qui me montre sans le vouloir que je suis le maître à bord et que je peux faire tout ce que je veux faire, c'est sa fille dont il parle sans le faire. C'est the reading room, plus que jamais, c'est ma deuxième maison, c'est UCM, c'est la chance d'y être qu'on réalise autant qu'on en a marre d'être pressé, marre marre marre de me presser ma propre chair. C'est ma maladresse et ma recherche d'absolu.

C'est Benjamin Biolay, c'est Lyon l'été, c'est Fourvière la nuit et les murs de pierre qui font résonner ses chansons, c'est les bords de Saône avec M., c'est les parquets des rez-de-chaussée de la Croix Rousse avec M., c'est trois jours qui m'ouvrent des portes intérieures, c'est un héritage. C'est des bonnes notes, c'est des papers dont je suis fière, c'est les banlieues qui posent problème, c'est la République qui fait de ces problèmes de plus gros problèmes, c'est la campagne invisible, c'est le tissu vivant du territoire français qu'on ne laisse pas toujours parler. C'est l'absence de Pauline et son coeur qui bat à l'abri des regard et ça fend le mien. J'ai un peu perdu mon nord depuis qu'elle n'écrit plus au grand jour mais on s'en sort, on s'en sort, elle existe, c'est déjà pas mal. C'est les limites, c'est l'oubli de moi, c'est les œillères que je porte pour trouver des excuses et ne rien changer, c'est la peur qui m'est vissée à l'estomac la majeure partie du temps, c'est moi qui rougis trop souvent, c'est moi qui veux me cacher, c'est moi qui me tape dessus, c'est le non-respect de ma personne qui passe souvent inaperçu, c'est les chaînes dont je m'entoure, c'est la recherche d'autre et d'ailleurs, c'est la peur du bonheur, c'est mes batailles contre moi et l'autre moi. C'est Fauve, la grande découverte, qui crie, qui crisse, qui claque, qui met les maux en mots, qui dit tout n'est pas fragile, n'attends rien que de toi, tu es infiniment nombreux et tellement de choses encore.





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire