samedi 12 décembre 2015

18.03.15

Ce n'est pas l'Angleterre qui pèse, je ne pense pas. Non. L'Angleterre c'est un terrain plus que connu, c'est le territoire des mots, de l'accent, des trottoirs aux larges dalles, du froid jamais glacial. Ca respire le charme même dans le gris. Ce qui est déroutant, parfois, c'est l'étendue de Londres et la non-place que cela implique quand on n'ose, comme moi, la prendre nulle part. C'est la routine que je ne m'approprie résolument pas, c'est la peine que j'ai à marcher, certains jours, pour aller m'asseoir sur les chaises de Goldsmiths. Londres dans mes yeux, c'est trop souvent la ville de la contingence. C'est des possibles vers lesquels je ne me porte pas.

A Oxford ce weekend c'était différent. J'avais Th. qui était aussi ravie que moi de savoir que quelqu'un avait organisé son weekend autour d'elle – elle pour moi, moi pour elle. J'avais le soleil, le vrai de printemps qui rend sa lumière à la matière, en plein dans les yeux et dans le dos, toute la journée, à en oublier mes lunettes chez Tesco pour les y retrouver, miracle, le lendemain. J'avais T. en tenue de course d'aviron, nice to see you Charlotte, qui m'a fait deux hugs à l'arrivée et deux autres en partant. Il était content de me voir. Moi aussi. Pas besoin de beaucoup de mots dans ces cas-là. Il commence ses études de médecine en septembre et quelque chose me dit qu'il sera un de ces médecins qui disent apparemment très peu mais n'en comprennent pas moins. Qui disent, au fond, peut-être juste ce qu'il est utile d'entendre.

Aujourd'hui j'ai passé une bonne partie de la journée avec les larmes à portée de cil, je les sentais sous mes paupières inférieures et, même sous le soleil radieux, il suffisait que je me replace et ressente mes pensées pour que ça menace sérieusement de déborder. Le désir de se liquéfier, de lâcher le panier de supermarché, oui, de fondre en larmes au milieu du Sainsbury's. Je ne voulais plus avancer, je voulais me cacher derrière les panneaux, m'asseoir dans le caniveau pour pleurer, là, sous la resplendissance, la resplendeur (inventons des mots) du soleil et de sa lumière d'une heure de l'après-midi. Puis le cours de C.W., sa décontraction, son ouverture, sa souplesse et son enthousiasme. Il a parlé de son. On a manipulé des enregistreurs, j'ai fait semblant d'être novice tout en me rendant compte qu'on ne m'avait jamais expliqué des rudiments de toutes ces beautés-là.

Il n'y a que nos barrières internes qui ne soient vraiment rigides. Le reste, ça peut toujours se discuter, se livrer, se partager, se déplacer. Je vais retourner à Telegraph Hill Park. Je vais passer du temps à poser des questions simples pour lancer des bouteilles dans des mers d'histoires éventuelles. Dans mon cours, une fille crée une app qui retracerait les missed connections. J'ai ouvert un paquet de 4 scones chez C. qui avait fouetté la crème à la force de ses bras. Avec des petites framboises et un thé Lady Grey, celui que je prends à chaque fois que je vais la voir. 18h35, Love is strange, Peckhamplex. B. et M. croisés sur le chemin c'est une belle surprise, je suis fière de les montrer, je mets quelques mètres à me remettre de la spontanéité de ce plaisir-là, je me dis que j'ai dû rougir mais qu’heureusement il faisait presque nuit. 

Sur le retour, C. grimpe sur le muret d'un jardin pour attraper une petite branche remplie de fleurs blanches au cœur mauve. Je l'ai mise sur ma table de nuit, là, à côté de moi, dans un petit verre de thé à menthe orné de doré – ceux que B. remplit de jus fraîchement pressé le matin et qu'elle laisse pour M. sur le lave-vaisselle. Quand j'entends le bruit de son super robot, il est accompagné du ronron des voix matinales de BBC Radio 4 à travers le plancher. Elle porte son peignoir prune à pois blancs et je me dis que pour moi c'est presque l'heure du réveil mais pas encore tout à fait. Ce sont ces bruits-là, ces repères-là, ces présences-là, qui me manqueront quand ils seront en Espagne. Depuis qu'elle travaille dans cette école à l'autre bout de Londres toute la journée, je parle plus avec M. On rigole de tous les risottos qu'on se fait chacun notre tour, on parle d'Oxford et des inégalités instituées dans le système d'éducation anglais, d'hélicoptères et de crashes d'hélicoptères, du voisin au n°66 – en peignoir à 10h30! ''What's he like" – qui a réceptionné un paquet à mon nom, le paquet contenant la nouvelle tasse Cath Kidston de B. que je tiens à remplacer car mon pot de miel a chuté sur la anse. Et je fais bien car apparemment c'était sa préférée, je dis See, pour affirmer que ouf, c'est bon, je remets les choses à leur place.  

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