vendredi 26 juillet 2013

22.07.13

Il faut bien que ça sorte toutes ces pensées alors que la pleine lune éclaire les murs de la maison. Il faut que ça s'en aille chaque jour un peu plus, à chaque bain dans la Grande douce j'aimerais me délester de quelques grammes de préoccupations et gagner en échange la délicieuse capacité de m'émerveiller, de m'attarder, de me poser, de me reposer sur les choses qui m'entourent, les chaises, les pierres au bord de l'eau, les bancs sous les grands arbres, les coins d'ombre, toutes ces choses qui ne bougent pas. Paradoxalement c'est dans cet endroit incroyablement apaisant que monte en moi l'impression d'avoir perdu mon chemin, comme s'il n'y avait que deux routes à choisir: l'indésirable ou l'impossible. J'ai cette capacité à griller mes cartes avant même qu'elles aient eu le temps d'exister. C'est quand qu'on apprend à s'apprendre? Quand est-ce qu'on comprend que c'est à nous de faire les démarches nécessaires et qu'une fois qu'on a commencé le reste s'ensuit? J'ai perdu le cordon ombilical qui me rattachait à certaines sphères du monde dans lequel nous évoluons, je ne sais plus d'où je viens, quel âge j'ai, où j'habite, où je vais, ce qui occupe mes pensées les plus profondes ni quelles questions me meuvent, quelles langues m'habitent, ce qui me fait plaisir, quels mots employer. Je ne sais plus qui m'entoure, quelle place j'occupe, je perds un peu le sens du présent ou plutôt la capacité à le cueillir puisque je ne pense plus qu'en termes d'heures qui passent, de températures à la hausse, de repas, de satiété, de rafraîchissement, d'agitation ou de silence. 

J'ai eu mal pour K. aujourd'hui, 11 heures de travail et les yeux du monde entier rivés sur elle. Les naissances me fascinent mais m'effraient encore plus, à chaque fois je sens qu'au fond de moi les questions se bousculent. Un corps peut-il vraiment supporter tant de tensions, de douleurs et d'émotions? En serai-je là un jour moi-même? Aurai-je des personnes de confiance autour de moi? Aurai-je les moyens d'accueillir et d'aimer un nouveau-né? Je sais bien que sur le moment ces questions ne se posent plus mais là, bizarrement, elles prennent beaucoup de place. Je vois des gens tout autour de nous, des rythmes le long de l'eau, des enfants qui courent et s'agitent pour aller se chercher une crêpe, leurs parents qui débarrassent la table en deux-deux et se déhanchent toujours, toutes ces cigarettes entre les pouces et les majeurs qui étirent leurs volutes, ce sont des mondes qui cohabitent et moi au milieu de tout ça, les bras ballants mais le cœur emballé, j'avale ces impressions, je ravale mon appétit d'autrui. Combien de temps encore? Il est temps, je crois, de reprendre le volant, le vrai, celui qu'on tient fermement entre ses doigts le temps d'un été et ensuite la vie entière pour cesser de perdre la direction de l'avant et reprendre possession des virages. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire