mardi 28 avril 2015

23.02.15


La Mandoune est articulée par des virages, un grand et deux ou trois petits, je ne sais plus, c'est que mon volant tourne presque tout seul dans ces endroits-là. Cette semaine fut la semaine des virages et pour le comprendre, je suis même restée une heure trente allongée sur ma banquette arrière, du soleil entre les vitres au milieu des façades colorées, jusqu'à ce que les gouttes tapotent sur le dos de la carrosserie, jusqu'à ce que la nuit tombe, que les voitures allument leurs phares et que les fenêtres s'éclairent: des carrés jaunes, des carrés crème, des carrés gris, des carrés bleus – ne jamais sous-estimer les nuances dont nous dote la lumière des ampoules. 

Il faisait 7 degrés et j'ai pris le soin de me plier le corps légèrement pour pouvoir étendre mes jambes jusqu'au plafond. Je me suis demandée comment on faisait pour faire des galipettes amoureuses à l'arrière des voitures et j'en ai conclu, naïvement sans doute, qu'il fallait se sentir assez à l'aise avec son compagnon pour faire en sorte de se fondre en un seul corps. Tout cela n'a rien à voir avec moi. Je n'ouvris pas le livre de M. mais l'emportai fermé dans mon sac plusieurs heures avant d'en explorer les premières lignes. 

Mon manteau comme couverture, cette fausse peau de mouton qui me permet d'emporter avec moi l'odeur du tabac de toutes les cigarettes consumées dans les salons, sur les terrasses, les trottoirs par lesquels je suis passée – et même dans les jardins qui rouvraient leur étendue de verdure, laissant aux jeunes le plaisir de cibler les gosiers des tourterelles avec les billes d'un pistolet en plastique. Je ne sais jamais par où prendre ces visites éclair au pays. La redécouverte du connu, la transition d'un monde à l'autre, l'ajustement de la langue et des références au fond de soi, l'acceptation des changements survenus. Il ne faut pas imposer de direction, je sais, il faut prendre les choses comme elles viennent mais parfois ça aide beaucoup de ranger nos images dans des tiroirs (sans pour autant chercher à les plier). 

4h dans un train, côté fenêtre sans voisin dans le sens de la marche, 57% de batterie, c'est au moins le temps qu'il me faut pour rassembler ces instants, ces paroles, ces regards, ces heures de petits matins et cette route parcourue avant de retraverser la manche d'un revers de la main. J'ai encore les deux pieds sur les rails de la SNCF et mesdames et messieurs dans quelques instants nous arriverons en gare de Poitiers, veillez à ne rien avoir oublié dans le train. Voilà, même les hauts-parleurs de Christophe notre chef de bord encouragent l'attention particulière.  

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